Prédication : Actes des Apôtres 2, 1 à 11
Prédication pour le 26 septembre 2010 au Temple de Vallon
« un culte sur le culte protestant » (finissage de l'exposition Uwe Appold)
Évangile : Luc 13, 10 à 17
Prédication : Actes des Apôtres 2, 42 à 47
Cantiques : Arc-en-Ciel 84, 1-3-4 ; 521, 1-4-8-9 ; 631, 1-2-3
Spontanés : (AEC) 118, 1 ; 428, 4 ; 475, 2 ; 81, 8 ; 862 ; 875 ; 151, 1, 138, 2
L'Evangile de ce dimanche nous parle d'un culte à la synagogue qui a été un peu perturbé. Mais si nous écoutons bien le récit, nous allons découvrir qu'il parle en vérité d'un des buts de tout culte réligieux. Écoutons Luc 13, les versets 10 à 17 :
Jésus enseignait dans une des synagogues, un jour de sabbat. Or il y avait une femme rendue infirme par un esprit depuis dix-huit ans ; elle était courbée et ne pouvait pas se redresser à la perfection. Quand il la vit, Jésus l'appella et lui dit : Femme, tu es délivrée de ton infirmité. Et il lui imposa les mains. À l'instant même elle se redressa et se mit à glorifier Dieu.
Mais le chef de la syagogue, indigné parce que Jésus avait réalisé cette guérison pendant le sabbat, disait à l'assemblée : Il y a six jours pendant lesquels il faut travailler ; venez donc vous faire guérir ces jours-là, et non pas le jour du sabbat ! Le Seigneur lui répondit : Hypocrites, chacun de vous, pendant le sabbat, ne détache-t-il pas son boeuf ou son âne de la mangeoire pour le mener boire ? Et cette femme, une fille d'Abraham que le Satan tenait liée depuis dix-huit ans, il n'aurait pas fallu la détacher de ce lien le jour du sabbat ?
Tandis qu'il disait cela, tous ses adversaires étaient pris de honte, et toute l'assemblée se rejouissait de toutes les choses glorieuses qu'il faisait.
La lecture dans les Actes des Apôtres que nous allons méditer ensemble, nous donne un aperçu de la manière dont la réalité de la résurrection est devenue vie concrète (et vie cultuelle !) dans la première communauté chrétienne de Jérusalem. Écoutons les Actes des Apôtres au chapitre 2, les versets 42 à 47 :
Ils étaient assidûment engagés ensemble à l'enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. La crainte de l'Eternel gagnait tout le monde :
beaucoup de prodiges et de signes s'accomplissaient par les apôtres. Tous ceux qui étaient devenus croyants étaient unis et mettaient tout en commun. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous, selon les besoins de chacun. Unanimes, ils se rendaient chaque jour assidûment au temple ;
ils rompaient le pain dans les maisons, prenant leur nourriture dans l'allégresse et la simplicité de cœur. Ils louaient Dieu et trouvaient un accueil favorable auprès du peuple tout entier. Et le Seigneur adjoignait chaque jour à la communauté ceux qui trouvaient le salut.
Bien chers amis,
à bien des reprises il m'est arrivé de refléchir sur les cultes clandestins que nos ancêtres ont célébré, entre autres dans la « Baouma traouchada » : Pourquoi les fidèles de l'époque ont-il risqué leur liberté, leur existence, leur famille, en se rendant, en pleine nuit, dans ces lieux si difficiles d'accès ? Pourquoi ne sont-ils pas restés à la maison, faisant leur prière tout seul, ou en famille ? Pourquoi ces « assemblées du désert » leur étaient si chères ?
Des questions qui se posent - notamment ici, au coeur du pays huguenot - de manière incontournable, si nous nous penchons aujourd'hui sur le culte protestant.
Car nos ancêtres avaient bien compris qu'il y existe une différence de qualité, de niveau entre la prière individuelle et le culte, une différence spirituelle qui mérite d'être considérée toujours à nouveau - et qui mérite surtout qu'on l'expérimente, qu'on la vive concrètement dans chaque culte que nous célébrons.
Or, dans ces quelques reflexions que je veux partager aujourd'hui avec vous et qui reflètent un peu de ce qui m'est venu à l'esprit pendant mes visites de cette exposition, et les médations animées par les tableaux et les textes du professeur Schwarzwäller, je ne cherche pas trop à être original. Je saisis l'occasion pour me laisser solliciter par les deux textes bibliques que nous venons d'écouter. Ils me semblent, en effet, parler très profondément de notre culte à nous, de nos assemblées du dimanche. Il se peut bien que pour certains parmi nous ce qui se passe tout habituellement est tellement courant et « normal » qu'on n'y fasse pas toujours attention.
Je suis très heureux de rencontrer toujours à nouveau des gens qui partagent un de nos cultes avec nous, et qui, à la suite, sont surpris : surpris de cette assemblée fraternelle et accueillante qu'ils rencontrent dans notre église, enchantés des multiples contacts qui ont lieu spontanément après le culte, heureux de cette fraternité apparente qui se vit parmi nous - et qui, pour beaucoup d'entre nous, est si normale et habituelle que vous ne vous en rendez peut-être même plus compte. Il se peut même que certains parmi nous oublient que cet accueil fraternel, que cette communauté chaleureuse sont un bien spirituel vraiment important. Un bien spirituel qui ne doit surtout pas être sous-estimé, qui mérite d'être vécu très consciencieusement et qui, en plus, demande toute notre attention, pour ne pas s'affaiblir ou devenir une routine superficielle.
Ainsi je suis content de l'occasion donné de pouvoir méditer avec vous aujourd'hui une parole biblique qui nous rend attentifs aux bases de la vie de la communauté chrétienne. Nous sommes invités à redécouvrir, à comprendre quelques valeurs et orientations fondamentales.
Les actes des Apôtres nous disent que les premiers chrétiens étaient assidûment engagés ensemble
à l'enseignement des apôtres et à la communion fraternelle,
à la fraction du pain et aux prières.
Quatre éléments de la vie chrétienne et du culte sont évoqués ici. Et ce n'est pas pour rien que l'enseignement des apôtres y a trouvé la première place. On pourrait dire la prédication. En effet, la vie de la communauté et son élan vital peuvent dévier et dégénérer, tant qu'ils ne sont pas toujours à nouveau corrigés et réorientés sur et par l'enseignement des apôtres. La préoccupation première de toute communauté chrétienne est donc le retour courageux et attentif, toujours renouvelé, vers les Paroles de l'Eternel qui nous sont parvenus par les anciens. C'est par ce retour vers les sources qu'on arrive à discerner l'essentiel. C'est ainsi qu'on parvient à un témoignage authentique et convaincant.
Mais la vie de l'église et le culte ne sont pas seulement basée sur une orientation « doctrinale ». C'est important, c'est indispensable, mais ce n'est pas tout. Les actes des apôtres parlent donc en second lieu de la communion fraternelle. Dans le contexte du culte, je pense qu'il faut ici souligner l'importance de la liturgie. Le terme se traduit par : « ce que fait l'assemblée ». Et il m'est particulièrement cher de souligner que c'est un élément fondamental du culte : Les repons spontanés, les cantiques bien connus et frédonnés ensemble sont une manière d'exprimer en communion cette entente, ce cheminement commun qui se nourrit d'un dynamisme spirituel qui nous unit et nous permet de cheminer ensemble.
Ensuite, il est question de la fraction du pain. Vous savez, bien sûr, que l'apôtre évoque, avec ce terme, la sainte cène. Or, pour certains, la sainte cène n'a pas encore perdu ce caractère menaçant et redoutable qui lui avait été attribué dans un passé même pas trop lointain.
C'est aujourd'hui seulement qu'on redécouvre le sens profond du terme le plus ancien pour désigner la sainte cène, du mot « eucharistie » (grec). Il signifie « très grande joie et reconnaissance ». Oui, la sainte cène, pour les premières communautés chrétiennes, était, avant tout, le moment d'une très grande joie. L'expression « fraction du pain » qui se trouve dans notre texte, évoque un geste qui m'est particulièrement cher : Ce geste du pain rompu à la main. A l'époque des apôtres, c'était un geste très familier à tout le monde. Ce n'était pas seulement la sainte cène qui pouvait se résumer dans ce terme de « fraction du pain » - ce terme signifiait au fond - tout repas en famille !!
Le père de famille avait l'habitude de prendre une galette de pain, tout au début du repas, et de le bénir avec une prière, avec une bénédiction que, aujourd'hui encore, tout enfant juif connaît par cœur : (Seigneur, roi de l'univers, nous te bénissons, car tu laisses pousser le pain de la terre !). Ensuite, il le rompit en morceaux pour en donner à toutes les personnes rassemblées pour le repas. C'est ainsi que la communion des personnes réunies à ce moment, était manifesté dans un geste concret et spirituel à la fois, avant qu'on s'adonnait aux délices des plats et aussi des échanges que ce moment de convivialité permet de vivre.
Aux débuts, l'adhésion à la communauté chrétienne se vivait donc comme l'intégration dans une grande famille. On se réunissait le soir pour le repas principal pris ensemble, pour ce moment privilégié de convivialité qui permettait de se retrouver, d'échanger les dernières nouvelles, mais aussi de se ressourcer spirituellement. Imaginez comment une telle pratique de vie pouvait avoir des conséquences concrètes ! Il se comprend facilement qu'à l'époque de l'église primitive, il y avait énormément de monde qui cherchait à faire partie d'une telle communauté fraternelle, d'un tel monde heureux et convivial où chacun, chacune trouvait sa place et sa valeur, des amis, des compagnons de route - et le repas en commun était un moment de culte !
Il n'est pas étonnant, non plus, que le quatrième élément de cette vie de paroisse « modèle » étaient les prières. Ne vous étonnez pas du pluriel ! Les prières (au pluriel !) rappellent qu'il n'existe pas LA prière, mais une multitude de formes de prière, une très riche variété de manières de prier, jamais épuisée et jamais découverte à fond.
Bien sûr, il existe une réalité de la prière qui est individuelle, intime, « privée » à tel point qu'on a du mal à la partager avec d'autres. Mais si je dis « privée » - vous n'avez pas tort d'y sous-entendre un petit accent critique (beaucoup de parpaillots pensent avoir raison de priver leurs compagnons de route de la communion dans la prière !) : Bien sûr, l'intimité personnelle avec notre Dieu qui nous aime a son droit et aussi sa place dans notre vie - mais il ne faut surtout pas perdre de vue l'importance de la prière partagée. Dans notre contexte donné, le terme désigne d'ailleurs, à mon avis, le culte tout court.
Bien sûr, il ne faut surtout pas oubler que la prière en commun, donc la prière qui fait partie du culte, connaît une promesse extraordinaire :
« Si deux d'entre vous se mettent d'accord pour demander quoi que ce soit, ceci leur sera accordé par mon père qui est aux cieux, car là ou deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux ! » (Mt 18)
Ne laissons donc pas cette promesse tomber à l'oubli. Elle nous fait penser à cette femme courbée qui, touchée par la parole et la main de Jésus, arrivait à « se redresser à la perfection » et à louer Dieu...
Pour terminer, je veux partager avec vous une trouvaille spirituelle qui peut résumer notre méditation: Le Rabbin Jehouda Hanassi a demandé, un jour, ses trois disciples préférés lequel serait, à leur avis, l'enseignement le plus important de la Tora, sa somme en quelque sorte.
Ben Soma répondit : Le « chema Jisrael », la confession de foi de tout juif. Rabbi Jehouda ne disait rien. Ben Asaï répondit : Le « Weahawta », le commandement qui peut être traduit par « tu aimeras ton prochain comme toi-mème ». Rabbi Jehouda ne disait rien.
Finalement, le disciple le moins connu, Ben Pasi, citait un mot du livre des nombres (Nb 28,3): Chaque jour, tu offriras un agneau le matin et un autre le soir !
A cette parole biblique, Rabbi Jehouda donna son assentiment : En effet : Le « chema Jisrael » n'est qu'un résumé doctrinal, confessé par toute personne individuellement. Le commandement de l'amour du prochain : Un commandement hautain qui dépasse toute personne. Et l'appel au sacrifice journalier ? Eh oui, c'est l'appel de faire exactement ce que les premiers chrétiens ont fait. Ils ont vécu leur vie de tous les jours dans une structure de culte commun. Et le culte qui nous réunit le dimanche, ce n'est rien d'autre que le moment où nous sommes réunis pour recevoir le saint esprit qui nous anime et nous libère à toute confession de foi et à tout moment vécu dans l'amour du prochain. Amen.
Seigneur éternel, tu nous a donné -
non seulement ton fils qui a partagé notre humanité,
mais aussi des compagnons de route et une communion fraternelle
avec celles et avec ceux que tu as appellés comme nous pour qu'ils nous soient proches sur le chemin de la foi.
Nous te rendons grâce pour cette communion dans la foi et dans la reconnaissance -
et nous te prions aujourd'hui tout particulièrement pour que cette communauté fraternelle se réalise toujours à nouveau dans ton église.
Tu as appelé ton église à être le corps vivant de ton fils ressuscité sur la terre.
Tu la veux donc comme un organisme vivant et actif
qui suit ta volonté et tes enseignements pour témoigner par les actes et les faits, dans l'amour et la justice, dans le combat pour la liberté et la dignité de tous les humains,
notamment de celles et de ceux qui sont persécutés et opprimés, rejetés et expulsés, ou aussi menacés et torturés, bref, qui vivent à l'ombre de la vie.
Donne à ton église, partout dans le monde, de se réunir pour te louer et pour t'écouter, pour être animé par ton esprit
afin qu'elle soit présente là où on attend des signes sensibles de ta présence,
de ta justice, de ta tendresse, de ton esprit qui unit et vivifie et qui pardonne.
Permets-lui de répondre à l'appel que tu lui adresses toujours à nouveau.
C'est toi qui permets que notre amour soit sans faille,
que notre témoignage soit authentique et cohérent,
que notre communion soit vivante et largement ouverte
à toute personne qui cherche à te rencontrer - et à retrouver le chemin de la foi.
Nous te prions de nous accorder ton esprit - cet esprit qui sonde les cœurs,
qui nous conduit à l'humilité et à la repentance,
et qui, en même temps, nous ouvre les yeux pour ne pas passer aveuglement
là où tu nous fais rencontrer celle ou celui dont tu veux
que nous lui devenions des frères et des sœurs
dans la prière et dans l'écoute commune,
dans la communion et sous ta bénédiction.