Prédication pour le 13 janvier 2008 au Temple de Salavas
Evangile : Matthieu 3, 13 à 17
Prédication : Esaïe 42, 1 à 6
Cantiques :  36, 1-2-3 ;  364, 1-2-3 ; 484, 1-2-3
Spontanés : 118, 1 ; 428, 4 ; 475, 2 ; 81, 8 ; 138, 2

L'évangile d'aujourd'hui nous parle du baptême de Jésus. Pourquoi Jésus se soumet-il à cet acte de repentance qu'est le baptême de Jean ? Il nous donne lui-même la réponse : Il le fait pour accomplir la justice de Dieu ! Écoutons Matthieu 3, les versets 13 à 17 : Jean se trouve près du Jourdain pour enseigner les foules et pour les baptiser dans l'attente du Messie.

Alors paraît Jésus, venu de Galilée jusqu'au Jourdain auprès de Jean, pour se faire baptiser par lui. Jean voulut s'y opposer : «C'est moi, disait-il, qui ai besoin d'être baptisé par toi, et c'est toi qui viens à moi !» Mais Jésus lui répliqua : «Laisse faire maintenant : c'est ainsi qu'il nous convient d'accomplir toute justice. » Alors, il le laisse faire. Dès qu'il fut baptisé, Jésus sortit de l'eau. Voici que les cieux s'ouvrirent et il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et voici qu'une voix venant des cieux disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu'il m'a plu de choisir. »

Nous allons méditer ensemble la prophétie d'Esaïe qui nous est proposée pour aujourd'hui. Elle nous parle du « serviteur de Dieu » qui est bien différent de maintes portes-paroles de l'Eternel.  Écoutons Esaïe 42, les versets 1 à 4 :

 Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu que j'ai moi-même en faveur, j'ai mis mon esprit sur lui. Pour les nations il fera paraître le droit. Il ne criera pas, il n'élèvera pas la voix, il ne se fera pas entendre dans les rues.
Il ne brisera pas le roseau ployé, il n'éteindra pas la mèche qui s'étiole. A coup sûr, il fera paraître le droit.
Lui ne s'étiolera pas, lui ne ploiera pas, jusqu'à ce qu'il ait installé le droit sur la terre. Et les îles seront dans l'attente de sa loi.

Bien chers amis,
    nous venons d'écouter un cantique qui, jusqu'à aujourd'hui, fait partie des textes les plus connus de toute la Bible hébraïque. On peut être certain qu'à l'époque de Jésus, chaque enfant en Israël connaissait ces paroles par coeur. Et si vous lisez les évangiles, vous pourrez facilement vous rendre compte que Jésus a fait de ces « cantiques du serviteur de l'Eternel », pour ainsi dire, son « cahier de charges ».
Ce n'est pas un hasard que les mêmes mots que nous venons d'écouter se retrouvent au chapitre 12 de l'évangile de Matthieu – pour expliquer pourquoi Jésus avait défendu aux foules et à ses disciples de parler publiquement de lui – je cite (Mt 12, 17 à 21) :
afin que soit accompli ce qu'a dit le prophète Esaïe :

 Voici mon serviteur que j'ai élu, mon bien-aimé qu'il m'a plu de choisir. Je mettrai mon Esprit sur lui, et il annoncera le droit aux nations. Il ne cherchera pas la dispute, il ne poussera pas de cris, on n'entendra pas sa voix sur les places. Il ne brisera pas le roseau froissé, il n'éteindra pas la mèche qui fume, jusqu'à ce qu'il ait porté le droit à la victoire.  En son nom les nations mettront leur espérance.

 Bien sûr, pour tout comprendre, il sera opportun de situer cette prophétie   d'Esaïe dans son contexte d'origine :  Esaïe parle – à Babylone (très probablement autour de 550 av.Chr, donc dix ans environ avant l'apparition de Cyrus le grand qui, après sa victoire sur l'empire de Babylone, donnera la permission au peuple déporté de retourner en Israël). Depuis des décennies, le peuple se trouve ici, déporté, en train de s'assimiler et de se perdre dans cette culture babylonienne qui, à l'époque, se trouvait pour ainsi dire à la pointe de la puissance et de la culture du monde entier. Des monuments extraordinaires témoignent de sa richesse, une réligion astrale attire les foules, et les juifs déportés à Babylone se sentent un peu étouffés, submergés par cette culture et leurs dieux qui semblent être bien plus forts et bien plus réels que le Dieu de leurs pères – qui n'est pas intervenu pour sauver sa demeure, son temple à Jérusalem, et qui n'a pas empêché la victoire écrasante des païens et la déportation de son peuple élu.
Bien sûr, les juifs se posent des questions sur le pourquoi de cet exil et de la défaite, et la fin apparente de leur nation. Ils regardent sur leur histoire et découvrent l'infidélité du peuple et de leurs dirigeants comme cause de tout déclin. Et c'est dans cette situation qu'un inconnu chante un cantique du serviteur de l'éternel. Il n'a pas besoin d'évoquer la fin du royaume des fils de David. Il n'a pas besoin de mettre son doigt sur le fait que les rois d'Israël, au lieu de faire régner la justice de Dieu dans le pays, s'étaient enrichis sur le dos de leurs sujets. Tout le monde sait, en plus, qu'avant l'établissement de la royauté ce n'était pas bien mieux. On se souvient des héros de l'époque des juges qui avaient élevé leurs voix pour appeler le peuple à la guerre sacrée, et pour s'imposer à leurs voisins avec une violence et une atrocité sans pareil. Voilà donc que le prophète chante son cantique. Il présente le roi des cieux qui, devant sa cour céleste, accueille son « serviteur » élu, son ministre, sa main droite.

Bien sûr, on va se demander : Et qui c'est, ce serviteur de l'éternel ? Comment le trouver, comment le reconnaître ?
Il est totalement différent d'un Gédéon par exemple, qui massacrait les ennemis en pleine fuite, qui éteignait donc la mèche fumante. Il n'agit pas non plus comme un certain Elie qui, emporté par son propre succès, faisait exterminer 400 sacrificateurs de Baal, rassemblés sur le Carmel...
Qui c'est, ce serviteur de l'éternel, qui ne vient pas pour régner à la force armée, mais dans l'esprit de l'éternel, dans un esprit de justice et de paix, qui ne veut pas de « pub » pour lui-même, et qui n'aime pas qu'on gueule dans les rues pour vanter ses atouts ?
Un serviteur de l'éternel qui ne se fera pas porter par l'acclamation des foules, qui refusera pour lui-même les truchements des puissants.
Un homme de paix et de justice qui agit bien autrement que nous avons l'habitude de le faire. Car nous, on suit la règle des forts : Ce qui tombe, il faut que tu le pousses encore !  Le faible, la mèche qui fume au lieu de brûler, tu dois l'écraser, l'éteindre sans pitié !
Et voilà – pour ce serviteur de l'éternel, c'est le pur contraire ! Un homme qui s'abstient de toute violence, un juste qui ne cherche qu'à faire valoir le droit, un homme de compassion qui assure la survie du faible, un homme de paix qui ne crie pas aux armes et qui ne veut même pas qu'on parle de lui.  

De génération en génération, les juifs se sont demandés : qui c'est, ce serviteur de l'éternel ? Qui c'est, cet homme qui ne sert pas ses propres intérêts, mais seulement la justice de Dieu, qui ne met rien d'autre en avant que le droit de l'éternel ? Qui c'est, celui qui encourage le timide, qui relève celui qui est tombé, qui accompagne l'isolé ?
Toujours à nouveau, on a écouté cette prophétie pour s'en servir comme échelle. Et aussi pour demander, à la rencontre d'un dirigeant ou d'un prophète, face à quelqu'un qui pourrait passer pour un porte-parole de l'éternel : Celui-là, est-ce le serviteur ô combien attendu ?
Vous vous rappelez : Même Jean Baptiste a fait poser cette question par l'intermédiaire de ses disciples – à Jesus.
Et ne me dites pas trop rapidement : Voici, nous savons. Nous l'avons trouvé. Nous le connaissons, le vrai Serviteur de l'Eternel. C'est Jésus.
C'est vrai – et faux à la fois.
C'est vrai dans le sens que même des théologiens juifs modernes arrivent à dire aujourd'hui : Le Messie, quand il arrivera enfin, il portera sûrement les traits de Jésus de Nazareth, de cet homme de justice et de paix qui, de toute évidence, correspondait en tout ce qu'il faisait, avec tout son témoignage et sa manière de côtoyer les humains, de les aider, de les relever, de les guérir, à l'image que le prophète Esaïe a dessiné du serviteur de l'éternel. Mais cela, ce n'est qu'une partie de la vérité, ce n'est, pour ainsi dire, que l'un des deux volets de la vérité.

Et le second volet ? Tenez-vous bien, car voici : le second volet de la vérité – concerne nous ! Eh oui, toi et moi ! Car, ce n'est pas pour rien que Jésus a dit à ses disciples – et qu'il dit à tous ses disciples à travers les temps (Lc 10, 3) : « Voici, je vous envoie comme les brebis parmi les loups ! »
Autrement dit : Le Christ ressuscité a besoin de chacun de nous comme d'un serviteur de l'éternel, pour partager sa justice, pour faire valoir sa vérité, pour vivre son amour.
Si tu veux vraiment savoir qui est le vrai serviteur de l'éternel, alors regarde sur Jésus dans le seul but de le suivre, de l'imiter, de devenir en toute humilité – rien d'autre qu'un des membres de son corps présent et agissant dans ce monde, pour manifester son amour.
Amen.

    Seigneur, nous appelles-tu à une tâche qui nous dépasse ?
Comment faire pour répondre à tes exigences,
comment faire pour remplir notre cahier de charges,
comme il a été rempli par ton Fils, Jèsus, notre frère - et Seigneur ?
Donne-nous l'humilité de ne pas vouloir faire tout à la fois,
où encore de vouloir faire mieux encore que toi...
Accorde-nous la confiance que tu vas couvrir les défaillances de notre service,
et la patience de continuer le chemin du témoignage
à la suite de ton fils,
même si, parfois, nous ne voyons point de fruits.

C'est toi qui accompagnes et encourages,
c'est ton amour qui est à la base de tout amour.
Voici pourquoi nous nous adressons à toi
en te présentant tout ce qui nous peine,
tout ce qui nous pèse sur le cœur.

Nous te présentons nos malades, nos vieux, nos mourants,
leurs angoisses, leurs insécurités, leurs espoirs,
et nous te prions de leur venir en aide
et de nous permettre de leur faire parvenir
des témoignages d'accompagnement et d'amour, nourris de ton amour.

Nous te présentons les peuples dont les conflits et la misère
nous déchirent le cœur.
Comment faire pour leur témoigner de ton amour qui embrasse l'univers ?
Comment permettre de faire confiance, à celles et à ceux
qui se voient opprimés et persécutés, qui sont victimes non seulement de la violence qui les menace, mais aussi de ces déceptions, de ces haines qui les rongent ?
Comment les encourager à abandonner la méfiance et la haine, le mépris et la contre-violence ?
Ouvre toi-même, Seigneur, des brèches à ton salut,
Montre-nous des chemins à ta justice,
oriente nos cœurs à ta paix -
pour que le monde entier comprenne qui tu es :
Le salut de l'univers entier, aujourd'hui et à jamais.